Les Écrits Vains

Pont des Arts, désert ou presque,
de l’eau dessus, de l’eau dessous
c’est l’automne sans dessus dessous.
Je flâne là sur le miroir
rien ne me presse, c’est le soir.

Entre les mâts des réverbères,
le ciel poudré rejoint la Seine.
Le pont désert se met en scène,
vivante fresque de gens pressés,
de corps ployés en fausses étreintes
de tresses éteintes aux noirs grisés
morne cortège en demi-teintes.

Et puis soudain elle jaillit,
elle ne marche pas, elle vit.
écharpe au vent, elle s’envole
bouche en avant, cerise ou presque..
le Pont des Arts devient désir,
absorbe avide sa course folle.
Jeune élastique, elle se faufile,
s’excuse un peu, cerise ouverte,
pour le plaisir, un peu offerte.

Elle se sait belle, n’abuse pas,
s’assure juste qu’on la voit.
Je la devine à son sourire
parce que ce pont, il m’en souvient
je l’ai franchi comme elle le fait,
dans mes bagages de printemps
y avait déjà le monde entier.

Je la regarde s’éloigner,
écharpe rouge parfumée
laissant les fruits de son sillage
comme un soleil ou comme un baume
mettre du sang au front des hommes
et pour toujours dans ma mémoire
un peu de rouge au Pont des Arts

Lily Donnat